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This exhibition suggests we consider art as a trance, an altered state of the everyday, a numbing of consciousness. Not by alluding to the lofty giddiness associated with artistic creation, but rather by framing art as an object dependent on reality. Admittedly, the romantics sought to transcend such an addiction by glorifying its victims as heroes. Alas, today, all that survives of their gloomy and intense transports is nothing more than a sickly, pale misunderstanding. And yet, art continues, under certain guises, to offer a raw and instantaneous alteration of our perception. It even seems at times to allow us to dream of aggressive and self-destructive intoxication. Unlike other psychotropic substances, however, art’s influence is amplified by collective resonance.

Without even a whiff of stale nostalgia, the exhibition allows Valentin Carron and Ștefan Tănase to express a feeling that posits their work as a rendering of a space in which they can survive. While one (Valentin Carron) was the teacher of the other (Ștefan Tănase), both share a worldview that allows them to clearly perceive the heady dispassion of a society that is all too familiar. For them, it is out of the question to give up the strange addiction that drives them to place art at the absolute centre of their existence in the world. When one visits the other, the encounter is stretched out and evaporated into excess, so much so that the next day Ștefan is forced by the police to ride as a passenger in his own car, hence the title of this exhibition.

But isn’t being forced to be a passenger in one’s own vehicle also a metaphor for the fate of the artist, shackled to their destiny? As such, even if art is sometimes a bitter ether, society is responsible for finding a place for artists who lose their footing. Luckily, art acts as a space that brings us together. There are no artworks without viewers. There are no artists without admirers, enthusiasts, collectors, critics, friends. There are no artworks without references. There are no artists without tutelary figures, alter egos, or a foothold in a shared history. Whether you look backwards or forwards in time, art will always be a dangerous game, albeit a collective one. Perhaps that’s what makes it even more addictive.

Even if it is always others who see themselves reflected in the traces and fragments that artists scatter during their run-ins with reality, art remains a realm of representation. It’s always part of the fun to turn the volume up and wind the car windows down. Driving is intoxicating, but this sensation is as essential as it is ordinary. Art becomes that sliver of space between our dreams and our habits. Being forced to take the passenger seat does not mean we can’t imagine holding the world in our hands. Simply coming together and talking about this intoxicating feeling of being alive is what Valentin Carron and Ștefan Tănase are offering here.

This exhibition is as bittersweet as sitting in the back seat of a car as it drives us away from the party, a feeling so ingrained in our personal history that we long to recreate it every weekend, just to escape the weariness of nostalgia.

— Samuel Gross

FR

Cette exposition propose de considérer l’art comme un état second, une altération du quotidien, un engourdissement de la conscience. Il ne s’agit pas d’évoquer les vertiges de la création, mais bien de considérer l’art comme un élément de dépendance au réel. Certes le romantisme a cru transcender cette addiction en en élevant les victimes au rang de héros, mais aujourd’hui de cet élan sombre et profond ne semble survivre qu’un malentendu d’une pâleur maladive. Et pourtant l’art continue, sous certaines formes, de proposer une altération brute et instantanée de notre perception. Il semble même parfois nous autoriser à rêver d’une ivresse agressive et autodestructrice. Mais contrairement à d’autres substances psychotropes, son effet est amplifié par rebonds collectifs.

Sans relent de nostalgie froide, cette exposition permet à Valentin Carron et Ștefan Tănase d’exprimer ce sentiment qui fait de leur travail l’expression de l’espace de leur survie. Si l’un (Valentin Carron) a été professeur de l’autre (Ștefan Tănase), l’un et l’autre partagent du monde une vision qui leur permet de percevoir avec netteté le désenchantement grisant d’une société qui ne leur est que trop familière. Pour eux, il n’est pas question de renoncer à l’étrange addiction qui les pousse à faire de l’art le centre définitif de leur être au monde. Quand l’un rend visite à l’autre, la rencontre s’étire et s’évapore dans les excès, au point que le lendemain Ștefan est contraint par la police à être le passager de sa voiture, d’où le titre de cette exposition.

Mais être contraint à n’être que le passager de son propre véhicule, n’est-ce pas aussi une métaphore de la destinée de l’artiste enchaîné à son destin ? Ainsi, si l’art est un éther parfois amer, l’espace social se charge de trouver une place aux artistes qui perdent pied. Par chance, l’art est un espace qui nous lie. Il n’y a pas d’œuvre sans regardeur. Il n’y a pas d’artiste sans admirateur, amateurs, collectionneurs, critiques, amis. Il n’y a pas d’œuvres sans référence. Il n’y a pas d’artiste sans figures tutélaires, alter ego, inscription dans une histoire commune. Dans les deux sens de la ligne du temps, l’art est un jeu dangereux mais un jeu collectif. C’est ce qui le rend peut-être encore plus addictif, d’ailleurs.

Même si ce sont toujours les autres qui se miroiteront dans les traces et fragments que les artistes éparpillent lors de leurs accidents avec le réel, l’art reste un espace de représentation. C’est toujours un peu par jeu que l’on monte le son, les fenêtres grandes ouvertes. La conduite est grisante, mais cette sensation est aussi essentielle qu’elle est commune. L’art devient ce petit interstice entre nos rêves et nos habitudes. Être obligé d’être passager, ne nous dénie pas le droit d’imaginer tenir le monde entre nos mains. Être ensemble pour parler de cette ivresse de vivre, c’est ce que nous proposent Valentin Carron et Ștefan Tănase.

Cette exposition est aussi douce-amère qu’un retour assis sur le siège arrière d’une voiture qui nous éloigne de la fête, cette sensation si inscrite dans notre histoire personnelle qu’on aimerait la reproduire chaque fin de semaine pour échapper à la nostalgie lasse.

— Samuel Gross